Interview de Marie B*.
co-auteur de Le mariage et la loi – Protéger l’enfant
par Virginie Tellenne, présidente de l’Avenir pour Tous
Le Livre blanc des juristes de l’Institut Famille & République propose une série de mesures visant à revenir sur la loi Taubira du 17 mai 2013 d’ouverture du mariage et de l’adoption aux couples de personnes de même sexe. Parmi ces mesures, on trouve une palette de propositions sous le vocable d’union civile. Il s’agit d’un régime spécifique pour les couples homosexuels, qui quelle que soit sa forme, restaure la filiation biologique des enfants. Ce statut, qui a le soutien d’une majorité de Français (54%, Ifop, Septembre 2015) interroge de nombreux catholiques. Nous avons fait passer un ban d’essai à ce moyen juridique en interrogeant Marie B*, juriste spécialiste du droit de la famille, qui a participé à la rédaction de ce livre avec une quarantaine de ses confrères
Marie, tout d’abord, nous tenons à vous féliciter pour la somme de travail accompli, avec une analyse méticuleuse des pistes possibles, qui concluent qu’il est vraiment possible juridiquement de revenir sur la loi Taubira. Cependant de nombreuses questions se posent en ce qui concerne l’union civile. La première d’entre elles nous interroge sur sa nature : s’agit-il d’une institution ou d’un contrat de droit privé ?
Il s’agit bien d’un contrat de droit privé, mais passé en mairie pour satisfaire le principe d’égalité des couples posé par le Conseil constitutionnel, au regard de la conjugalité. La seule institution d’ordre public doit rester le mariage, union de l’homme et de la femme, car par nature, il est le siège de la filiation biologique qui concerne l’enfant né de ce couple. C’est cette filiation déterminée par la procréation de l’enfant, qui détermine les droits de l’enfant à connaître ses parents biologiques. Il faut donc protéger particulièrement l’institution du mariage. Pour que cela soit incontestable, nous proposons de la faire inscrire dans la Constitution française.
Qui célèbre cette union ?
Comme le mariage, l’union civile est célébrée en mairie par le maire, officier d’état civil ou par toute personne habilitée ayant reçu de lui une délégation. Pour lui donner un caractère solennel, nous préconisons comme nom de cette union : l’alliance civile.
Quels droits et devoirs ouvre l’Alliance civile ?
L’Alliance civile ouvre tous les droits patrimoniaux et fiscaux ainsi que tous les devoirs liés à la conjugalité relatifs au mariage. Seule la filiation – et donc l’adoption – n’y figure pas, sans discriminer les couples de personnes de même sexe. L’Alliance civile est donc un régime d’union spécifique aux personnes homosexuelles, qui se définit par sa finalité reposant sur la nature non-procréative du couple : l’Alliance concerne les adultes entre eux et ne changent en aucun cas la filiation de enfants éventuellement élevés par els alliés de même sexe. Cette discrimination légitime est fondée sur l’art. 44 de la décision du Conseil constitutionnel du 17 mai 2013 qui reconnaît qu’il existe une différence de situations au regard de la procréation entre le couple homme-femme et les couples homosexuels. La suprématie de la règle biologique a été confirmée par la Cour de cassation en juillet 2015.
N’y a t-il pas un risque que la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) considère cette différence de statut comme discriminatoire et n’exige que tous les champs d’application du mariage ne soient attribués à l’Alliance civile et donc la filiation ouvrant également la PMA et la GPA ?
Non, ce risque, s’il est appuyé sur le fondement de la procréation, est nul. En effet, cette différence de statut n’est pas fondée sur les orientations affectives et sexuelles mais bien sur le caractère non procréatif des couples de personnes de même sexe.
En outre, la jurisprudence de la CEDH est aujourd’hui claire. Elle estime depuis le 14 janvier dernier dans l’arrêt Mandet c/ France que l’ « intérêt supérieur » d’un enfant est de « connaître la vérité sur ses origines« , y compris contre son gré, et que la justice doit transcrire sa « filiation réelle« . De plus dans son arrêt Oliari c/ Italie du 23 juillet 2015, la CEDH a imposé à l’Italie – et donc à tous les pays membres – de mettre en place une union spécifique aux couples homosexuels, refusant d’imposer l’ouverture du mariage aux couples de même sexe en considérant à juste titre cette mesure comme non consensuelle au sein de la société.
Avec cette nouvelle jurisprudence, et le mouvement parallèle des nations qui diffuse aujourd’hui en Europe, notamment en Croatie, en Slovénie ou encore en Grèce où les populations constitutionnalisent le mariage comme l’union de l’homme et de la femme, et légalisent des unions sans filiation pour les couples homosexuels , il y a donc de moins en moins de risque pour que la CEDH remette en cause cette différence de statuts liée au respect de la filiation réelle des enfants.
Peut-on espérer que cette réforme soit mise en place en 2017 à la faveur de l’élection d’une nouvelle majorité ?
Cette réforme en 2017 est tout à fait envisageable mais pour cela il faut se mobiliser dès à présent. Les medias et tous les politiques font entendre qu’il serait impossible de revenir sur la loi Taubira. La dernière volte-face de Nicolas Sarkozy nous le confirme. Mais il a excipé de contre-vérités. Réviser la loi Taubira ce n’est ni démarier, ni désadopter. Cela est faux. Et c’est ce que nous tentons de démontrer dans ce livre blanc en donnant aux politiques de nombreuses possibilités de retour sur la loi Taubira en respectant les droits acquis des couples, et les possibilités d’éducation des enfants, sans brouiller leur filiation biologique.
C’est une décision politique à prendre alors que l’opinion publique est largement majoritaire pour un retour à l’acte de naissance biologique. Mais cela nous impose de nous rassembler et de nous mobiliser dès aujourd’hui. En effet, les primaires de la droite auront lieu en novembre prochain. Les candidats doivent boucler leurs programmes pour le mois d’avril. Il faut pour cela leur montrer la volonté massive des Français, que tous les leaders du mouvement de 2013, et désormais leurs élus régionaux issus des manifs de 2013, doivent fédérer pour une même volonté : seul le rassemblement de tous les fondateurs et dirigeants actuels permettra, à terme, la restauration de la filiation biologique garantie par le mariage Homme-femme dans la constitution française.
Ainsi faut-il espérer que la « réconciliation » tel qu’elle doit avoir lieu le 28 janvier prochain à Marcq-en-Barœuil lors des Etats Généraux pour la Famille de Sens Commun, sera gage de respect des solutions pour ce même objectif, donc de réussite aux élections présidentielles de 2017.
Le mariage et la loi, protéger l’enfant , Institut Famille et République, collectif de 40 auteurs, 480 pages, janvier 2016, 20 €
En vente sur www.institutfamilleetrépublique.fr