«J’annonce les derniers chiffres et le bus explose de joie !»

«J’annonce les derniers chiffres et le bus explose de joie !»

5h30, le réveil sonne ! J’ai à peine dormi 2h, à cause du stress : est-ce que cela va bien se passer, les cars seront-ils bien présents, les ultra-LGBT vont-ils venir nous chahuter ?

7h00, Nancy, encore endormie dans le froid de l’hiver, on entend quelques murmures porte Desilles, lieu de départ des cars. Nous sommes plusieurs dizaines a attendre les 7 cars qui doivent partir du centre-ville. Certains arrivent de l’Eglise St Epvre où une messe avait été célébrée expressement pour nous par les Oratoriens. Ces derniers n’ont d’ailleurs pas manqués de venir nous saluer au départ des cars et à répondre aux questions des journalistes parfois saugrenues (« Vous allez les bénir avant le départ ? »). Et puis attentif à une caméra de France3 j’entends une personne ne pas vouloir répondre à leurs questions pour des raisons de « réserve ». Aussitôt j’arrive à son secours et me présente. Et là je me dis intérieurement : mais dans quoi je m’embarque ? Si je voulais rester dans l’anonymat… et bien c’est raté ! Et bien sûr ils me posent des questions et il ne s’agit pas de répondre à côté. Pas évident quand on a une nuit blanche dans les pattes….

Enfin les cars arrivent et c’est l’effervescence. On prend ses banderoles, ses « panneaux faits maison ». On compte, on pointe on récupère les « perdus pas encore bien réveillés »….Et puis ca y est on est parti ! Près de 30 cars sont partis de toute la Lorraine ! J’étais Responsable d’un de ces cars: un car qu’on pourrait appeler « Famille ». Plus d’enfants que d’adultes ! en tant que coordinateur j’appelle les autres Responsables de Car pour savoir si tout va bien. RAS. Excepté le car au départ de Bar le Duc qui s’est fait caillaissé par 2 jeunes ! Rien de grave mais bon, pouvu que le reste de la journée se passe sans accroc !

Après 2h de route nous faisons un pause à une aire de repos. (Sommesous). Certains dorment encore, mais une pause café est la bienvenue. Une ambiance particulière règne sur cette aire ou nous retrouvons nos compagnons de route : de Metz de Bar le Duc, des Vosges…. et très vite nous envahissons l’aire d’autoroute, vêtus de nos sweats, sous les yeux ébahis des responsables de la station et des quelques touristes de passage.

Nous reprenons notre route.

Arrivés 1h plus tard au péage de l’A4, où là, nous voyons garés des dizaines de cars attendant le signal des CRS pour nous escorter jusqu’à notre lieu de stationnement ! Nous profitons de cet arrêt pour vendre des sweats à ceux qui n’en n’avait pas encore. Puis soudain on nous dit qu’il nous faut repartir : direction PORTE D’ITALIE ! Et à ce moment là je revois encore les plus jeunes d’entre nous yeux grands ouverts (cette fois) observer le jeu des CRS nous ouvrant la route !

Bien réveillés, les slogans, les chants sont répétés à tue tête par la jeune classe, alors qu’une mère fait le tour du car pour nous grimer aux couleurs rose, blanche et bleues. Des voitures sur le périphérique nous klaxonnent pour nous saluer ! Nous réalisons que nous ne sommes pas seuls ! Des cars à perte de vue, des dizaines de voitures aux couleurs de LMPT, cela présageait une belle manif, mais de là à imaginer ce qui nous attendait nous en étions très loin !!!

La car nous dépose à quelques minutes à pied de la place d’Italie et un flux continu pour enfin arriver à cette fameuse place qui se remplit à vue d’œil. On appelle pour essayer de retrouver des parents, des amis arrivés par d’autres moyens de transports. On arrive tant bien que mal à y parvenir même si la foule commence à devenir compacte. Il est environ 13H00.

La bonne humeur régnait au son de la musique et des slogans ! Les minutes passent, puis 1h, 1h30, 2h et enfin après 2h30 d’attente nous avançons ! On se dit que c’est ÉNORME ! Nous entendons des chiffres, je consulte Twitter : on annonce que nous sommes très nombreux (sans blague !). Le chiffre de 700 000 est rapidement annoncé. Nous étions en fin de cortège et il était environ 16h00 quand nous avons quitté la place suivi par les balayeuses qui se demandait ce qu’ils allaient bien pouvoir nettoyer….
Et nous arrivons vers Montparnasse et nous comprenons très rapidement que nous n’aurons pas le temps d’arriver au Champs de Mars car nous devions reprendre nos cars pour 18h00. Nous croisons des manifestants qui revenaient du Champs de Mars et la nous comprenons que cette manifestation est HISTORIQUE ! La pluie commence à tomber et les plus jeunes commencent à s’épuiser mais l’ambiance fait que nous sommes entraînés par cette liesse joyeuse et déterminée.

Au niveau de St Francois Xavier mon portable tombe en rade ! Aie ! Juste quand il faut battre le rappel et prévenir ceux qu’on a perdu que nous devons nous diriger vers le car ! Arrivés aux Invalides nous accélérons le pas pour retrouver notre bus. Ouf il est assez facile à retrouver malgré la pluie, le froid et la nuit tombée ! Nous sommes une dizaine à peine ! Où sont passés les autres ? On s’entraide pour appeler les retardataires et les aider à retrouver l’emplacement du car. Finalement, après quelques angoisses, nous sommes au comlet. Nous voyons des mines fatiguées mais réjouies ! Le chauffeur nous dit que nous étions très nombreux et que Hollande avait du souci à se faire ! Même si on avait tous raté le spectacle du Champs de Mars nous étions fiers de pouvoir dire : MISSION ACCOMPLIE ! J’annonce dans le micro les derniers chiffres et le bus explose de joie ! C’est l’euphorie totale !! Les parents comme les enfants trouvent encore la force de crier des « Francois ta loi on en veut pas ! »

Il est temps de partir et nous regagnons épuisés mais heureux, notre Lorraine. Au fil des kilomètres le silence se fait peu à peu avant que tous s’endorment. Un seul (ou presque) reste éveillé : moi. Je refais le film des dernières semaines, de cette journée – soulagé qu’elle se soit passée sans encombres- et me dit que c’était vraiment une histoire incroyable ! Beaucoup d’entre nous n’avait jamais manifesté (moi le premier), et se dire que deux mois avant nous étions qu’une petite dizaine à nous lancer dans cette aventure, et de voir que nous nous sommes retrouvés plusieurs milliers de Lorrains à Paris ! C’était FOU ! Je voulais rien perdre de ce que j’avais vécu. Je note quelques chiffres clefs en pensant au lendemain où j’avais rendez-vous avec notre coordinateur de car de Metz pour un direct sur Radio Jéricho pour témoigner de cette journée historique ! Une grande première encore pour nous deux !

Jamais je n’oublierai cette journée et mes enfants non plus, mais nous étions loin de penser à ce moment là que nous recommencerions le 24 mars et le 26 mai !

Pierre

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